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CHOMAGE : Des origines à aujourd'hui
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Les origines multiples du chômage
La plupart des discours sur le chômage sont imprécis et contradictoires.
Il faut savoir de quoi on parle. D'abord, tout chômage résulte
d'une surproduction puisque le travail n'est pas une richesse à partager
mais une création de richesse. Le chômage est plus précisément
l'impossibilité de créer une richesse solvable, valorisée
socialement. A partir de là, on peut distinguer 3 causes du chômage
: Le chômage keynésien causé par les crises cycliques et
la lutte contre l'inflation (rigueur budgétaire, Franc fort, Euro).
C'est de loin le plus important mais ce chômage disparaît par disponibilité de
liquidités. Le chômage frictionnel résulte des inadaptations
structurelles de l'offre et de la demande (formation, passage à l'informatique).
On ne peut le réduire que par des politiques à long terme, mais
jamais l'éliminer totalement. Le chômage classique est l'inadaptation
du coût du travail et de sa productivité (charges sociales, mondialisation).
La période actuelle se caractérise par le cumul considérable
de ces trois facteurs qui ne se traitent pas de la même façon.
Chômage frictionnel et chômage classiques dépendent de données
structurelles mais c'est le chômage keynésien qui en détermine
la masse finale. A un certain niveau le chômage est une menace pour la
totalité de la société. Le chômage peut baisser,
bien sûr, mais, tout est une question d'ordre de grandeur. Il ne suffit
plus de créer autant d'emploi qu'il y a de chômeurs, ce qui est
déjà impossible, mais on sait qu'il faudrait en créer
presque le double, ce qui est tout-à-fait hors d'atteinte d'une industrie
en pleine automatisation, mais aussi de services toujours plus informatisés.
1. L'Empire (mondialisation, déficits budgétaires)
Du Japon après 1945, au Plan Marshall contre le communisme assurant
la prospérité européenne, puis le Vietnam produisant l'inflation
et maintenant le GATT assurant la mondialisation, nous vivons sous une hégémonie
américaine surconsommatrice et à son plus haut, rattrapée
désormais par l'Europe en productivité et diplômes bien
que les USA profitent encore à plein de leur avance dans l'informatique
et de leur progression démographique. Nous subissons encore la pression
de la politique de relance de Reagan qui réussit aux USA (baisse des
impôts, augmentation des dépenses militaires, déficit budgétaire)
mais devait attirer les capitaux étrangers, ce qui poussait en retour à l'amélioration
de la rentabilité des investissements partout, c'est-à-dire une
augmentation de la part du capital par rapport au travail. Cette pression n'est
plus tempérée par le soutien des USA aux régimes étatistes
considérés, au moment de la guerre froide, comme des remparts
contre le communisme. La besoin de financement externe, ainsi que la sur-consommation
américaine ont donc été décisifs dans l'accélération
de ce qu'on appelle "la mondialisation", mais aussi la domination
américaine des secteurs de la communication. L'augmentation des échanges
externes provoque inévitablement, selon un principe de l'économie,
un accroissement des inégalités internes et une moindre solidarité sociale.
L'exportation est d'abord une externalisation, une négation du global
(nation ou planète). Il se trouve qu'elle rencontre désormais
rapidement sa limite planétaire, un marché saturé (qu'on
ne peut plus inonder de produits en chaînes mais auquel on doit s'adapter
en flux tendu); et la baisse généralisée des coûts
salariaux finit par provoquer mécaniquement une récession mondiale,
une surproduction qu'on peut déjà enregistrer dans les matières
premières provoquant une crise probable d'effondrement des cours justement
parce qu'ils sont au plus haut. La mondialisation est dans quelques secteurs
limités un facteur de chômage classique (textile) mais la pression
sur la rentabilité des capitaux est surtout producteur d'un chômage
keynésien en dehors des États-Unis. En théorie, il suffit
d'injecter des liquidités dans l'économie pour résorber
ce chômage comme Hitler, sinon le New Deal, en on fait la preuve par
leurs grands travaux (mais rien ne vaut une bonne guerre !). Il y a pourtant
une limite. On ne refait pas si facilement ce qu'on a défait.
2. Les élites de l'Euro (Franc fort, rigueur budgétaire)
Cette ouverture du marché américain des capitaux a rencontré, chez nous, l'intérêt des possesseurs de capitaux (vieillissement de l'économie et du corps électoral, les retraités vivent mieux que les salariés depuis 15 ans). En France l'économie est encore fortement étatisée, c'est-à-dire aux mains de hauts fonctionnaires qui ont démontré très souvent leur incapacité et n'ont fait qu'épouser encore la cause des rentiers sous couvert de garder notre rang international et de coller au Mark. Pour ne pas avoir de l'inflation, qui est leur véritable interdit, il faudrait tolérer, donc vouloir du chômage qui fait pression sur les salaires et permet en même temps d'obtenir les gains de productivité exigés des salariés. La traduction politique de cette classe sociale est bien la rigueur budgétaire de l'Euro et du Franc fort avec une inflation proche de zéro, donc en fait déjà une récession compte tenu du progrès technique, et dans un contexte de compression de la demande par l'arrivée des classes creuses après le baby boom de l'après-guerre. Les rigidités étatiques génèrent aussi un chômage classique qui n'est pas négligeable mais n'explique pas le niveau actuel de chômage. On peut ajouter à ce contexte concurrentiel le retard pris dans la réduction du temps de travail. L'essentiel reste que les politiques suivies après Mai 68 ont généré volontairement un fort chômage keynésien.
3. La révolution informatique (rigidité étatique, conservatisme social, éducation)
L'informatique n'est donc en rien responsable du chômage qui est fondamentalement keynésien, la masse des chômeurs devant surtout peser sur l'inflation. Son rôle est pourtant essentiel de porter un potentiel de productivité immense disponible (donc un chômage classique pour ceux qui n'y ont pas recours) ainsi qu'une discrimination éducative plus forte qu'avant, c'est-à-dire un chômage frictionnel très important, impossible, lui, à résorber rapidement. Les possibilités de l'informatique n'ont pas été exploitées tout de suite. Elles ont été mises en oeuvre à grande échelle quand elles ont rencontré les intérêts des possesseurs de capitaux (retraités, mafias et investisseurs institutionnels réunis). La rationalisation technique se serait faite de toutes façons mais la rapidité d'adaptation est exigée pour des profits à court terme (c'est la ruse de l'histoire). Une fois le processus enclenché pourtant, l'automation et la civilisation de l'information sont un changement fondamental, abolissant le travail non qualifié, passage de la force de travail à la résolution de problèmes. Le temps de travail n'est plus une mesure pertinente, les gains de productivité sont un enjeu de formation. La rapidité d'adaptation suffit à augmenter le nombre des exclus, mais c'est aussi la pression sur le producteur qui devient de plus en plus insupportable à mesure que la production se règle sur l'information obtenue du consommateur (flux tendus), condamnant ainsi le producteur à la précarité. Cette accélération demande des adaptations urgentes, une redéfinition de la citoyenneté et de la place de l'économie dans une société informatisée, d'abondances et de misères mal partagées.
4. Se battre ou se soumettre
Le chômage a donc sans doute été voulu, du moins accepté,
par les privilégiés du régime. Ce n'est pas l'effet de
la seule technique mais bien de la volonté de certains, de la séparation
des intérêts dans une société qui se défait.
Les raisons macro-économiques de la crise pèsent surtout sur
la croissance mais, pour des raisons écologiques c'est-à-dire
humaines, on ne peut plus soutenir la croissance dans les pays développés
sur-consommateurs et, de toutes façons, cette croissance ne peut plus être à la
hauteur du chômage actuel. Il faut au contraire profiter de la crise
: c'est la gestion d'un monde sans croissance, avec un travail limité donc,
qu'il nous faut expérimenter dès maintenant. Et d'abord restaurer
le global, l'intérêt général et la solidarité (qui
ne se réduit pas à la nation). C'est clairement pour des raisons
humaines, la qualité de la vie et une nouvelle citoyenneté, que
nous voulons la réduction du temps de travail et la fin du salariat,
non pas à cause d'une raréfaction du travail ou d'une loi inéluctable
de l'économie. La situation de chômage que nous connaissons et
qui cumule les trois formes de chômage, montre paradoxalement que notre
société riche peut réduire sa production et financer un
revenu inconditionnel adapté à un monde de la formation permanente
et de la complexité. Il suffit de reconstruire sa solidarité au
lieu de renforcer la concurrence de tous contre tous. Aucune autre solution
n'est viable à court terme, personne ne peut inventer 5 millions d'emplois
et il ne s'agit pas de redonner du travail à 1 million de chômeurs
pour que le niveau de chômage devienne plus acceptable et qu'on puisse
se désintéresser des millions de chômeurs restants ! Il
ne s'agit pas d'accepter n'importe quel travail non plus, d'inventer des activités
imaginaires ou de nouvelles contraintes ! Un retour à l'esclavage, tous
les pauvres réduits à être domestiques. Il faut le répéter,
il y a une mutation de civilisation que nous devons assurer, toutes les conditions
sociales sont réunies. Il s'agit bien là d'un combat politique
: solidarité contre inégalitarisme mais aussi liberté contre
autoritarisme. Aujourd'hui, la revendication ne peut plus être raisonnablement "un
travail pour tous" mais seulement
"Un revenu pour tous"
et donc d'abord l'augmentation des minima sociaux.
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Certains veulent nous prédire maintenant le bonheur économique
(Albin Michel) pour 30 ans en comparant notre situation à l'année
1937 (sur la base des cycles de Kondratieff), mais, outre qu'il n'y a aucune
raison de se réjouir d'être en 1937 (même si c'est vrai,
c'est souvent au moment de la reprise que la misère encore largement
dominante apparaît le plus insupportable déclenchant toutes sortes
de violences), on ne peut être certain que la nouvelle révolution
de l'information pourra continuer le même modèle économique.
D'ailleurs l'auteur (Chevallier) hésite à mettre cette révolution
au même plan que les autres révolutions industrielles. Enfin les
contraintes écologiques ne permettront plus une croissance mondiale
aussi importante, c'est le modèle actuel de la croissance et du travail
qu'il faut remettre en cause. Il est par contre intéressant d'expliquer
les cycles économiques par l'équilibre générationnel
rejoignant notre analyse. Voir notre tableau des cycles de Kondratieff.
Pour comprendre une situation il faut la remettre dans son histoire mais aussi
dans les différents cycles du moment (économie, saison, génération),
les possibilités et les dangers qui s'annoncent, les rencontres symboliques,
mais surtout il faut vouloir la transformer.